Elle ne pouvait s'empêcher de penser à Suzanna, à Nale. Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable et indigne de l'agitation qui régnait autour d'elle depuis qu'elle avait apporté son aide aux habitants du Onze. Elle se sentait piégée, captive d'une responsabilité, d'un devoir dont elle n'avait jamais voulu. Elle ne se sentait pas digne des remerciements qu'on lui adressait lorsqu'elle errait comme une âme en peine dans les ruelles malfamées du Onze. Cette misère, cette souffrance, cela lui rappelait la Veine et Jace qu'elle avait laissé derrière elle pour sauver l'homme qu'elle aimait. Cet homme qu'elle ne parvenait pas à retrouver alors qu'elle était persuadée qu'il était ici. Elle était désormais captive, prisonnière de ce District et elle se sentait menacée. Un frisson parcourait constamment sa colonne. Elle se sentait observée, traquée. Elle se savait en danger. Le Capitole avait capitulé trop facilement. Abandonnant trois districts à l'anarchie. Et si certains du Douze et du Dix leur venait en aide en leur faisant passer de la nourriture elle savait que le châtiment du Onze serait terrible lorsque le Capitole passerait à l'attaque. Elle avait peur. Peur de se retrouver piégée. Peur aussi de ce que sa présence signifierait pour le Capitole et pour ses gens. Elle ne voulait pas que quiconque meurt pour elle. Elle n'était pas un chef. Simplement une gamine munie d'un arc et d'un œil de faucon. Rien de plus. Pour eux elle représentait l'espoir et cette responsabilité était lourde à porter. Elle était assise face à la grille. Elle attendait. Une opportunité de quitter cette cage, de retourner dans les bois. Il y aurait une coupure, ils ne pourraient pas maintenir l'alimentation de la Grille indéfiniment. Elle serait là le jour où une faille apparaîtrait. Elle l'avait fait des centaines de fois dans le Douze. Elle attendait son arc en travers des genoux, les yeux rivés sur la grille bourdonnante. Loin des effusions dont elle était l’objet dans les bas quartiers de la ville. Elle avait redonné espoir à ces gens. Elle incarnait pour eux la relève de son frère, d’Arabella. Une lueur d’espoir. Elle-même n’en avait aucun. Elle n’était pas de taille, elle avait rendu le contenu de son estomac après le départ des Pacificateurs… Elle avait tué, elle avait tiré sur des hommes comme elle l’aurait fait sur des daims. Elle ne l’avait pas supporté. Elle n’était pas un leader. Elle n’était qu’une gamine avec des aires de Liberté guidant le peuple. Elle ne voulait pas de cela. Elle n’était pas son frère, ni sa belle sœur. Elle n’avait pas survécu à l’arène, elle n’était pas morte en héros. Elle voulait seulement prendre soin des siens. De son neveu. Rentrée chez elle. Un bruit de pas derrière elle la fit se retourner, la lame de son couteau au clair. On n’était jamais trop prudent.