Me regardant à travers le miroir, je concoctais un plan dans ma tête. Les yeux rivés sur mon reflet, je n'arrivais pas à me concentrer. Totalement enfermée dans ce qui me faisait face. De longs cheveux blonds, tombant délicatement autour d'un visage, des yeux transperçant, qui cachait une infime douleur mais aussi de précieux secrets à ne surtout pas dévoiler, des pommettes aguicheuses, légèrement relevées et poudrées. Le mascara me donnait un air d'ange, d'enfant de coeur, de petite princesse, de tout sauf ce que j'étais réellement. Cruelle, froide, manipulatrice, machiavélique. C'était là tout le but du procédé que je faisais avant de sortir. Me rendre charmeuse, légèrement naïve, avec des airs innocents. Objectif atteint. Aucun doute là-dessus. Même moi j'y croyait presque à ces côtés enfantins qui ressortissaient. Loin de la femme qui faisait couler ce précieux liquide rouge, essence de la vie.

Fermant mes yeux d'un mouvement brusque, j'écoutais ce qui m'entourait. Absolument rien. C'était le vide total, le néant, le silence parfait. Bien trop parfait à mon humble goût. Me levant, je sortis de la pièce tout en me dirigeant vers l'entrée. Faire ce qui devait être fait, ne pas le décevoir. Ces mots rythmaient ma vie, rythmaient mon coeur. La main sur la poignet, prête à m'engouffrer dans la vie du District 1, j'ouvris délicatement la porte, laissant une légère brise entrer faisant docilement virevolter ma jupe. J'étais vraiment fière d'appartenir à ce District et non un autre, je me sentais tellement à l'aise ici, tellement que je me demandais bien d'où je pouvais venir. Surement pas dans un des petits Districts, non, comment aurais-je pu y vivre. Faisant un pas, je faillis trébucher en posant mon regard sur ma main. Pas de bague. J'avais oublié ma bague. Je me concentrai, un moment, respirant, me calmant, avant de foncer pour la récupérer. Pas question de m'en séparer, de sortir sans. Je me sentais tout de suite très mal, c'était .... Inexplicable. Tourmente.

Une fois en dehors de la maison, je marchais sans but précis à priori. C'est toujours ce que je faisais croire, une femme égarée, ce que je n'étais pas. Du moins, pas à mon avis. Envoutant légèrement les passants, je me dirigeais vers l'habitat d'Hermès. Une fois devant la porte, mon regard dévia sur une fenêtre. Je ne m'empêcha pas de jeter un léger coup d'oeil à l'intérieur, mais aussi sur mon propre reflet. Parfait. Parfaite même. Ma main se leva vers ma porte, prête à commettre le geste irréparable, quand mes pensées dévièrent. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire en ce moment. Il me manquait, c'est vrai, un peu trop d'ailleurs. C'était la seule personne qui me connaissait réellement. Chaos. Fermant les yeux, mes pensées s'échappèrent au loin. Faire autre chose, vite. Je laissais trois coups rompre le silence qui s'était installé en faisant vibrer la porte de l'humble demeure. Et maintenant, attendre, simplement attendre et laisser les choses venir vers moi.

Mes pensées virevoltaient. Attablé avec un bout de bois entre mes mains, je continuais à travailler, silencieusement. Je n'étais pas allé couper du bois aujourd'hui, et même si l'activité m'avait manqué, ce que je faisais à la place me plaisait beaucoup plus. De toute façon, pourquoi avais-je commencé à être bûcheron de toute façon ? Par défaut. Parce que la forêt était près de chez moi, que je ne savais rien faire d'autre. Mais à présent que j'avais découvert un petit talent pour la sculpture sur bois, je passais mon temps à faire des petites figurines représentant différents animaux. Je m'étais essayé à faire un visage mais n'étais arrivé à rien. En ce moment, je gravais un ours dans le matériau dur et me disais qu'il était sûrement temps de faire une pause. Depuis huit heures ce matin, j'étais en train de travailler à .. ne rien faire. Car cette activité ne me rapporterait pas de l'argent, rien pour rapporter de la nourriture à la tablée pour le soir. Cette pensée m'arracha un soupir et, étant distrait, je sentis une vive douleur à mon doigt. Je venais de me couper.

Un juron s'échappa de ma bouche. Portant mon doigt à mes lèvres, je me préparais à sucer la légère goutte de sang qui avait coulé avant de me rétracter. Au lieu de ça, je pris du coton que j'avais acheté plus tôt dans l'année et nettoyais la petite plaie comme je pouvais. Le couteau avait bien coupé, mais puisque je n'avais pas assez d'argent pour aller voir un médecin ou un soigneur, je devrais me débrouiller. Attachant de façon maladroite le coton autour de mon doigt, je grimaçais à cause de la petite douleur que ma blessure me causait. Et dire que je souhaitais me porter volontaire pour les jeux, si jamais Cyrène y allait. Je ne savais pas si Snow avait été sérieux, la dernière fois. Je n'avais pas pu accéder aux écrans, je n'avais pas pu savoir le fin mot de cette affaire. J'espérais en silence que les jeux aient été annulés, pour que Cyrène puisse rester mienne. Enfin, si elle l'était. J'avais l'impression qu'elle me filait entre les doigts et que je n'avais rien pour la retenir. Je lui avais dit que je l'aimais, et elle ne faisait que s'éloigner, pour revenir, et rebelote.

C'est alors que trois coups me firent sursauter. Je tournais le regard vers la porte. Cela devait être Cyrène, elle était bien la seule à venir me rendre visite. Alors, je me dirigeais rapidement pour attraper la poignée, prêt à embrasser la jeune femme qui se trouverait dans l'antre. Mais lorsque j'ouvris la porte, ma surprise fut totale. Cette jeune femme. Celle qui m'avait agressé la première fois, et que pourtant j'avais raccompagné chez elle en insistant. Depuis, elle était venu me voir plusieurs fois, lorsqu'elle se sentait démunie. Je l'appréciais. Un doux sourire commença à habiter mon visage. « Entre, si tu le veux. » J'appréciais tout de même d'avoir de la compagnie. Parce qu'à force de rester enfermé chez moi, je devenais légèrement fou. Parfois, je parlais même tout seul. « Excuse tout ce bois sur la table, j'étais en train de .. travailler » D'un geste, je rassemblais mes petites figurines de bois et faisais tomber par terre les copeaux. Je nettoierais ça plus tard. Finalement, je me tournais vers elle pour la regarder dans les yeux. « Qu'est-ce qu'il y a, cette fois-ci ? »

Pendant le léger lapse de temps, je restais muette, simplement silencieuse, laissant mon regard se perdre sur la légère poussière entrainée par la brise de vent. Elle tournoyait, docilement, fidèlement, se laissant faire, comme tous les peuples de Panem, c'était exactement la sensation que je me faisais du monde. Seuls quelques uns savaient se mettre au dessus, ou encore s'accrocher au sol, restant fermes et durs. Je faisais partie de cette catégories, grâce à Graham, j'étais de ce milieu indépendant et fort, nous étions supérieurs. Aucun doute. Telles les belles particules qui se soulevaient et régnaient en maitre. Mes pensées s'échapèrent quand la porte s'ouvrit à la volée. Je sentis un élan étrange et une brise de déception dans les yeux de mon interlocuteur. Misère. En rester là, pas question. Un sourire mi-charmeur, mi-naïf sur les lèvres, je lui fis face. Il me répondit par la même expression, me fixant. C'était déjà mieux. Hermès ouvrit la porte un peu plus, laissant assez de place pour mon frêle corps. Jugeant la situation, j'attendis qu'il me propose de faire le premier pas. « Entre, si tu le veux. »

Il ne fallait pas me le demander deux fois. Passant à travers l'encadrement de la porte, je m'engouffra dans l'habita d'Hermes. « Merci. » lui lança-t-elle en même temps, sur un ton léger. Toujours paraitre plus faible que ce que l'on ait, j'avais déjà fais l'erreur de me laisser aller un soir, alors que seule la lune devait être témoin de mon léger écart, il m'avait surpris, j'avais réagit assez frontalement, commençant à me débattre. Il faut le dire, je n'aimais pas être prise sur le fait, je revenais de quelques affaires assez macabres. Le regardant, en lui lançant le petit mot, j'atterris directement dans le salon. Une odeur vint m'assaillir de tous les côtés. Le noir m'absorba pendant que des flashs me transportèrent. Chaleur autour du feu, bruits de scie, fumée étouffante, danger, sentiment d'égarement, de réconfort, mais aussi d'enfermement. Mes yeux s'ouvrirent d'un coup sec, le fixant. Attendant qu'il me dise quelque chose, quelque chose qui montrerait que j'avais été découverte, je sentais déjà mon corps trembler, de légers tremblements. Mais rien, non, rien ne se lisait dans ses yeux. Seulement de la gène. « Excuse tout ce bois sur la table, j'étais en train de .. travailler » Je hochais légèrement la tête, regardant les diverses figurines. Je m'avançais en même temps vers lui, l'air légèrement aguicheuse, je posais ma main sur son avant-bras, lui faisant arrêter tous gestes de rangements. L'intimant du regard à tout stopper pour se concentrer sur autre chose, moi par exemple.

Me changer les pensées, faire partir ce flot de souvenirs, si intense. Trop intense. Encombrant. M'arrêtant alors, il me regardait dans les yeux, vraiment, dans les yeux, au plus profond, comme s'il cherchait quelque chose. Questionnement. Oui, la question allait venir, je pouvais le prévoir. « Qu'est-ce qu'il y a, cette fois-ci ? » Etait-ce un reproche ? Non, surement pas, non. Ce devait être autre chose. Je dérangeais peut-être. Non. Impossible. Un petit sourire s'étira sur mes lèvres, un sourire qui montrait que j'étais faible, trop faible, chose totalement faux, mais c'est comme cela qu'il faut agir avec les hommes, les faire se sentir plus fort. Je l'avais compris maintenant, et c'est ce que j'utilisais tous les jours. Le fixant, je baissais finalement la tête ainsi que mon regard. « Je pensais à toi. » Minaudais-je, sur un air innocent, légèrement mal à l'aise, chose que je n'étais pas. Hermès avait ce petit quelque chose en plus, ce petit quelque chose qui me faisait me sentir bien, alors qu'il était le total opposé de Graham, ils étaient différents, complètement, et pourtant, être près d'Hermès ne me repoussait pas, au contraire. Il n'y avait pas de préférence, ce n'était pas là la question, disons que je me rachetais mon comportement. Faire en sorte qu'il n'y ait pas de doute qui se forme dans son esprit, lui enlever le moindre doute et lui faire comprendre autre chose. « Mais, je te dérange peut-être. Dis-le moi, et je pars. » Je serais vexée, vraiment. Peut-être même que je ne reviendrais plus, je disais ça parce que j'étais pratiquement sûre qu'il ne me le dirait pas. Levant mon regard vers lui, je lui fis ma petite mine d'excuse, une petite bouille à laquelle on ne pouvait pas dire non, bouille qui me servait au quotidien.

Je me rappelais péniblement de notre première rencontre. En effet, j'avais eu plusieurs bleus grâce à ce moment où nos chemins s'étaient croisés, au beau milieu de la nuit. Je ne savais toujours pas pour qui elle m'avait pris, mais je m'étais défendu. Pas assez pour lui faire mal bien entendu, mais assez pour qu'elle arrête de me frapper. Depuis, j'avais l'impression qu'elle jouait avec moi. Dans quel but ? Je ne savais le déchiffrer. Mais à chaque fois que nous étions tous les deux, elle semblait essayer de se rapprocher, puis de s'éloigner tour à tour. Cela me rendait fou, car je ne savais pas comment la considérer. Voulait-elle que nous soyons amis ? Plus ? Moins ? Si elle venait me voir, c'était qu'elle avait un quelconque intérêt dans ma personne. Seulement, je n'arrivais pas à en savoir plus. La jeune femme ne me disait pas grand chose sur elle, d'où elle venait, ce qu'elle faisait. À Vrai dire, je ne connaissais pas grand chose d'elle. Je devais me contenter de ce que j'avais, et c'était assez difficile. Avec Cyrène, je savais beaucoup de choses. Pas des choses trop personnelles, mais je savais dans quel milieu elle vivait, ses conditions. Chenault était un complet mystère pou moi.

Le contact de sa main sur mon avant bras me fit tressaillir. N'ayant pas spécialement d'amis, je n'avais pas l'habitude d'être touché par une autre personne que Cyrène. Et Cyrène était … Non. Elle n'était pas ma petite amie et elle l'avait clairement spécifié, puisqu'elle n'avait pas répondu aux sentiments que j'avais exprimé à son égard. Alors, pouvais-je la laisser agir ainsi ? J'avais envie de dire oui. Car même si mon cœur appartenait à Cyrène, ma tête et mon corps en demandaient plus. Mon attention revint alors sur la jolie blonde, et uniquement sur elle. Il était vrai qu'elle était jolie. Son visage paraissait enfantin mais il se dégageait une vraie maturité de ses expressions. Elle semblait parfois un peu perdue, et d'autres fois, déterminée, chasseresse. Elle me fixait et je me perdais dans ses prunelles avant qu'elle ne baisse le regard. Son regard ne ressemblait en rien à celui de Cyrène mais il m'attirait à sa propre manière. « Je pensais à toi. » Je déglutissais difficilement, peu sur de l'attitude à avoir par rapport à une telle phrase. Finalement, un petit « Ah ? » sortit de ma bouche. Je fus déçu de ce que je pouvais dire face à cette déclaration, mais je n'étais pas habitué à une telle attitude. Bien entendu, des femmes potiches essayaient de me draguer mais je les rembarrais si rapidement qu'elles n'avaient pas le temps de dire des choses pareilles. Je ne savais pas pourquoi je ne remballais pas Chenault. Bien entendu, mes sentiments amoureux étaient uniquement dirigés vers Cyrène, mais j'étais confus. Si confus que je ne savais plus exactement quoi faire.

« Mais, je te dérange peut-être. Dis-le moi, et je pars. » Un petit sourire prit place sur mon visage, amusé. Puis, prenant son menton en coupe avec ma main, je relevais son visage pour qu'elle puisse me regarder. « Tu ne me dérangeras jamais. De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais grand chose de plus important à faire. » je laissais ma main retomber le long de mon corps en soupirant. Ayant du mal avec la proximité que nous avions, je me déplaçais légèrement et commençais à faire chauffer de l'eau pour me faire du thé avec des aiguilles de pin que j'avais ramassé dans la forêt. Alors que j'étais dos à elle, concentré devant mon eau, ma voix sortit de ma bouche sans que j'y fasse attention. « Pourquoi tu te comportes comme ça ? Qu'attends-tu de moi ? » C'était peut-être malpoli. Il se pouvait qu'elle n'attende rien de moi, qu'elle se comportait de façon amicale et que je ne savais pas l'apprécier. Je me sentis soudain stupide et me tournant vers elle, je me grattais le menton avec gêne. « Pas que tu ne sois pas sympathique .. A vrai dire, j'aime beaucoup que tu viennes me rendre visite. Mais j'ai cette impression .. peut-être que je suis paranoïaque .. cette impression que tu veux quelque chose de plus. Et je ne suis pas sûr de bien savoir quoi. » Je l'observais fixement, attendant une réponse.

Je baissais délicatement ma tête lui avouant un petit quelque chose qui aurait du avoir plus d'effet. « Ah ? » Laissa-t-il échapper à mon égard. C'est tout. Mes pupilles s'agitèrent légèrement devant ce manque de compréhension, tant pis. Il fallait que je trouve autre chose, que j'en rajoute. Rester sur le côté ne faisait pas partie de mon avenir, non, je voulais briller, étinceler telles les dernières étoiles du ciel, c'était mon destin. Le mien. Mon charme faisait partie de ma personnalité, l'utiliser était dérisoirement facile, presque malsain venant de ma personne. Mais je le faisais, je l'utilisais, parfois pour m'amuser - pas souvent - mais plutôt pour l'aider, lui, qui en avait besoin, et j'étais prête à tout pour lui, à tout. Je lui devais tout. Je sentis alors un doux contact au niveau de mon menton, légèrement surprise, je ne résista pas et m'exécuta pendant qu'il faisait en sorte que je le regarde. Pupilles docilement scintillantes devant son petit sourire. « Tu ne me dérangeras jamais. De toute façon, ce n'est pas comme si j'avais grand chose de plus important à faire. » Voilà qui était mieux. Bien mieux. Mon sourire s'étira, sans que je le commande au début - ce qui fut bien étrange d'ailleurs - puis je le forçais à rester, légèrement. Puis il se recula, loin, comme si ma présence lui pesait, comme si ma présence lui faisait ressentir quelque chose qu'il n'avait pas l'habitude, légèrement déçue, il faut l'avouer, mais je pris cela pour un défi plutôt qu'autre chose. Mon regard dévia sur l'intérieur de la maison, l'analysant, cherchant quelque chose qui pourrait être intéressant, un peu partout, dans les coins. Ca sentait le bois à plein nez, cette odeur avait un drôle d'effet sur mon esprit, j'étais presque apaisée, tout en gardant mon esprit diabolique. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, mais ça avait forcément un rapport avec mon passé. « Tant mieux ... Alors, je vais rester un peu pour te tenir compagnie. » Dis-je, sur un ton léger, qui se voulait accueillant, rassurant, et sans méfiance envers lui.

Je fis quelques pas en avant, vers lui, m'assurant qu'il ne m'entende pas, juste pour me rapprocher un peu plus, et observer ce qu'il pouvait bien faire de mieux que de s'occuper de moi. Je relevant légèrement sur la pointe des pieds, je regardais par dessus son épaules, accueillant avec plaisir la vision de l'eau qui chauffait précautionneusement. Je me dépêchais de retourner sur mes pieds et reculer pour ne pas paraitre trop encombrante, surtout pas ça. Il allait définitivement me prendre pour quelqu'un d'assez étrange. Après l'avoir surpris avec mes coups, il ne comprendrait pas, chercherait, et ce serait le drame, tout sauf ça, Graham m'en voudrait si Hermès commençait à s'intéressant à nos affaires. Non, il ne devait pas m'en vouloir, tout sauf ça. Je fermais les yeux devant la haine qui montait en moi, avant d'entendre la douce voix d'Hermès couper mes pensées noires et chaotiques. « Pourquoi tu te comportes comme ça ? Qu'attends-tu de moi ? » Je penchais la tête sur le côté, innocemment, comme si je ne comprenais pas où il voulait en venir. Comme si. Evidemment. N'avait-il pas l'habitude que les femmes l'approchent ? Il étais loin d'être repoussant pourtant. Ou alors, il avait déjà quelqu'un. Ca serait dommage. Vraiment. Je piétinais sur la voie de quelqu'un peut-être. Tant pis. Il se retourna, me faisant face, l'air légèrement mal à l'aise. « Pas que tu ne sois pas sympathique .. A vrai dire, j'aime beaucoup que tu viennes me rendre visite. Mais j'ai cette impression .. peut-être que je suis paranoïaque .. cette impression que tu veux quelque chose de plus. Et je ne suis pas sûr de bien savoir quoi. »

Un petit sourire gêné se fabriqua sur mes fines lèvres. Hermès était loin d'être stupide. Bien loin. Il savait analyser les situations, c'était un adversaire de taille auquel on devait faire attention, il fallait s'en méfier, ou obtenir sa confiance, ce qui était mon but principal. « Je ... Je ne comprends pas. » Lâchais-je, mine de rien, comme si j'étais déboussolée. Je fis un pas vers lui, puis faisant exprès de m'arrêter au centre de la distance qui nous séparait, je le regardais, le fixant dans les yeux, cherchant la moindre déchirure dans laquelle je pourrais m'engouffrer. « Excuse-moi. » Disais-je, baissant une nouvelle fois le regard, ayant l'air plus que fragile, tout ce qu'il me fallait pour lui faire comprendre que je n'étais pas un danger, non, il ne devait pas penser ça de moi. Surtout pas. « Je suis peut-être trop entreprenante, je suis désolée, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Je n'ai pas besoin de quelque chose, si je viens c'est parce que ... » Mon regard revint vers lui de lui-même. « ... J'en ai tout simplement envie. » Retenant son regard, je testais l'effet de mes paroles, j'étais sincère dans un sens, j'avais réellement eu envie de venir le voir, ce n'était pas faux, donc mes paroles avaient l'air encore plus sincère, même si jouer des autres était une de mes spécialités.

La première chose que je remarquais, après avoir posé ma question, fut le petit sourire gêné qui naquit sur son visage angélique. Elle sembla prendre un air étonné, un air innocent. Comme si elle n'avait aucune idée de ce de quoi je parlais. Mais je savais bien qu'elle n'était pas stupide, et avait conscience de ses actes, de la manière dont elle agissait. Je ne la croyais pas manipulatrice, mais je pensais qu'elle savait user de ses atouts à des fins qui lui bénéficieraient. « Je ... Je ne comprends pas. » Je souriais un peu, heureux de savoir que je n'étais pas à côté de la plaque. Je savais qu'elle mentait, qu'elle jouait un petit jeu. Cela ne me vexait pas, cela ne me faisait pas non plus peur. Je souhaitais juste qu'elle puisse être honnête avec moi, car j'appréciais la sincérité au dessus de toutes les autres vertus. Elle s'avança dans ma direction, réduisant l'écart entre nos deux corps, et une tension se construisit à l'intérieur de mon être. Cela me rendait étrangement gêné, d'être dans une trop grande proximité avec une fille qui, mine de rien, me faisait penser à Cyrène. Elle me fixait et je lui rendais son regard, essayant de garder ma contenance. « Excuse-moi. »  Enfin. Elle admettait avoir une raison de s'excuser, donc, elle admettait ne pas être totalement innocente. Mais dans ce « excuse-moi », je sentis une pointe de culpabilité. Forcée ou non ? Je n'en savais rien. Mais me faisant porter par mes sentiments, j'eus envie de penser qu'elle n'était pas en train de me mentir. Qu'elle était honnête et se sentait vraiment désolée d'avoir provoqué cette réaction chez moi. Je ne la forçais pas à me regarder à nouveau, la voyant baisser la tête. Je la croyais, je pensais réellement qu'elle ne se rendait pas compte de ce qu'elle faisait en se comportant comme cela. « Je suis peut-être trop entreprenante, je suis désolée, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Je n'ai pas besoin de quelque chose, si je viens c'est parce que ... » Elle releva le regard et je me sentis captivé. Capturé. Je n'osais même pas cligner les paupières, et je restais comme ça, à la regarder, le souffle arrêté.

« ... J'en ai tout simplement envie. » Je restais quelques instants muet. Je découvrais une toute autre sensation : celle de se sentir voulu, aimé. Bien entendu, elle ne m'avait pas fait une déclaration d'amour, mais je le prenais comme tel. Alors que j'avais l'impression de chasser Cyrène, qui fuyait sans cesse, cette jeune femme venait vers moi parce qu'elle en avait envie. Et cela me rendait heureux. Je dus battre contre le sourire qui menaçait de prendre place sur mon visage, et m'avançais un peu plus vers Chenault, pour que la distance séparant nos deux corps soit minime. Je pouvais regarder ses yeux, son nez, sa bouche. Ses cheveux couleur de blé. Elle me rappelait tant Cyrène, et dans un sens, elle en était pourtant tellement différente. Sans vraiment réfléchir, je levais la main pour la mettre sur la joue de Chenault, caressant lentement sa peau douce. Après quelques minutes de silence ainsi, je rabaissais ma main après avoir remis une de ses mèches de cheveux en place. « C'est moi qui m'excuse. Je n'ai aucune raison de te demander, ça .. Après tout .. » Je m'arrêtais de parler un instant, pesant les mots que j'allais dire. J'avais l'impression de trahir Cyrène, mais cela me donnait une toute autre perspective des relations humaines. Bien entendu, je n'irais pas à m'aventurer à raconter cela à la Diamond, sauf si je sentais pouvoir la défier avec l'anecdote.

« Après tout, cela ne me dérange pas. » Je lui souriais gentiment en lui prenant la main, et, entendant l'eau bouillir derrière moi, je la lâchais précipitamment pour m'occuper de la boisson. Je versais l'eau chaude au dessus des aiguilles dans deux tasses, à vrai dire, les seules tasses que je possédais. On m'en avait fait cadeau, et ainsi, elles avaient été faites à la main et n'étaient pas très droites par endroit. L'attention m'avait touché et je les avais gardé car au final, je les trouvais plutôt jolies. Sans un mot, je m'asseyais à la table sur un tronc coupé d'arbre, qui me faisait office de siège. Mes mains trouvèrent le dessus de la tasse pour sentir la chaleur, et j'invitais pas à un sourire Chenault à s'asseoir et me rejoindre. « Je peux te poser une question ? «   Je n'attendis pas sa réponse pour la poser. Cette fois-ci, il n'y avait pas de côté négatif dans ma question, rien qu'une interrogation. Peut-être légèrement intéressée. « Tu te comportes comme ça avec tout le monde ? Ou suis-je un heureux élu ? »

Ce n'était pas à tout le monde que je disais ce genre de chose, loin de moi cette idée de fille sensible. Je l'étais, au fond, mais j'étais aussi froide qu'un glaçon, il m'arrivait de me demander pourquoi je ne m'ouvrais pas plus au gens, comme je le faisais pour gagner la confiance d'Hermès et avoir un allié au cas où. Un allié qui ne me connait pas, mais qui serait prêt à m'aider. Je me souvins alors que si je ne le faisais pas, c'était tout simplement parce que Graham m'avait affirmé que le reste du monde était seulement composé d’hypocrites, que ça ne servait à rien d'aller vers eux à moins qu'on puisse en tirer un quelconque avantage. C'est ce qui était prévu, aller vers les gens si en retour, quelque chose de notre volonté e produirait, c'était ainsi et pas autrement. Je me convainquis alors que si j'étais là, c'était pour assouvir une volonté, celle de protéger tout soupçon pouvant poser sur Graham. Mon but. Mon projet. Mon destin. Je le vis alors s'avancer dans ma direction, encore, et encore, réduisant à néant la distance qui nous séparait. Il était tellement proche que je pouvais l'admirer à mon aise, l'observer, mais surtout sentir sa douce odeur. Une odeur qui me transporta bien loin, surtout lorsqu'il prit les devants et posa délicatement sa main contre ma joue. Un sourire angélique se dessina sur mes lèvres pendant qu'il me caressait légèrement la joue, me fixant à son tour. Je me sentis alors partir, partir hors de cette pièce, or de cette maison, mes pensées prirent ma conscience et l'enfermèrent contre mon grès. Comme emprisonnée de mon propre esprit.

Ce contact me transporta vers un tout autre endroit, un lieu que je ne connaissais pas, vraiment pas, qui ne me disait rien, et pourtant, je m'y sentais bien, à mon aise, comme si c'était chez moi. J'étais rassurée, à l'abri, totalement sereine. Il y avait ces yeux qui me regardaient, un regard qui se voulait tendre. Non, il fallait que je sorte d'ici au plus vite. Ce n'était pas chez moi, je ne connaissais rien, c'était encore un de ses souvenirs qui prenaient tellement de place dans mon quotidien. Plus j'avançais, plus le temps passé et plus les souvenirs revenaient à moi sans que je ne demande rien. C'était infernal. J'en devenais légèrement folle. Plus que d'habitude. Le doux contact s'arrêta chassant alors mes dernières pensées. Heureusement pour moi, je n'aurai pas tenu très longtemps. « C'est moi qui m'excuse. Je n'ai aucune raison de te demander, ça .. Après tout .. » Je l'observais, cherchant ce qu'il allait dire, quand il remit une de mes mèches rebelles derrière l'oreille. Un geste simple, mais qui avait son effet. Hermès était doux, légèrement attentionné, méfiant aussi et il se posait pas mal de questions. Chose qui ne devait pas faire à mon propos. Vite, je repris mes esprits pour revenir à la charge, ne pas se laisser amadouer. Ne pas le décevoir. « Après tout, cela ne me dérange pas. » Je lui rendis son sourire, me forçant à peine, ce que je mis sur le compte de la fierté. Qu'est-ce que ça pouvait être d'autre. De la sincérité ? Non, pas possible. J'étais fière, fière de moi, et c'est tout. Rien d'autre ne pouvait entrer en jeu. Et pourtant, Hermès me rappelait quelqu'un, quelqu'un que je connaissais. Mais je n'arrivais pas à savoir qui, rien ne me venait en tête. Tellement compliqué, comme plongée dans une eau trouble qui ne souhaite pas vous relâchez, qui vous tient et vous emprisonne, et vous couple le souffle. Évacuer la pression devenait impossible.

Elle ne savait quoi répondre, et fut aider par le son de l'eau qui voulait s'échapper de la souffrance qu'elle subissait. Subtile jouissance pour moi. Il me lâcha la main pour retourner vers les cris de l'eau bouillante. Il revint vers la table, me souriant, m'invitant ainsi à m'assoir à ses côtés autour de sa modeste table. Il n'y avait pas à dire, ce n'était pas la même décoration luxueuse que chez Graham. Et pourtant, il y avait un côté que je connaissais, quoi ? Aucune idée. Je m'assis à ses côtés sur le tronc d'arbre coupé, lui rendant son sourire. Ramenant légèrement la tasse préparée en face de moi, je me concentrais sur le liquide pendant un léger instant. « Je peux te poser une question ? » Je le relevais le regard vers lui, légèrement curieuse. Je hochais alors la tête, l'invitant à continuer. Imitant subliment son geste autour de la tasse, me réchauffant. « Tu te comportes comme ça avec tout le monde ? Ou suis-je un heureux élu ? » Plus aucun doute n'avait sa place là-dessus ; Hermès était honnête. Je pris ma respiration, me laissant le temps de réfléchir. « Je ne suis pas comme ça avec tout le monde. » Commençais-je, concentrant mon regard sur le liquide comme pour paraitre lointaine, légèrement mystérieuse. « Les gens diront même que je suis plutôt froide, ce qui est vrai. C'est juste que. Je ne sais pas vraiment en réalité le pourquoi du comment, je ne peux donc pas te dire pourquoi. Mais c'est ainsi Hermès. » Continuais-je, relevant mon regard vers lui en lui délivrant un petit sourire en coin, montrant mon désarroie. Faux désarroi. « Puis-je à mon tour t'en poser une ? » Lançais-je, à tout va. Après tout, il le faisait, pourquoi pas moi. Ca paraitrait normal ainsi. « Tu es mal à l'aise quand je m'approche parce que tu as quelqu'un dans ta vie n'est-ce pas. » Oui, bon, c'était plus une affirmation qu'une question. Qu'est-ce qui me disait cela. Un peu tout. Surtout le fait qu'un homme soit presque hésitant quand je le charme, c'était forcément qu'il y avait quelqu'un d'autre, même si la plupart d'entre eux pouvaient être des infidèles, passons. Il y avait forcément quelqu'un.

J'aimais être avec elle. Je n'avais pas beaucoup d'amis, ni beaucoup de relations en général, et me retrouver avec quelqu'un d'autre que Cyrène était quelque chose d'étrange. D'étrange, mais d'agréable. Je ne connaissais pas bien Chenault, c'était vrai, mais j'avais envie d'en apprendre plus sur elle et les raisons qui la poussaient à venir me voir. Je ne me trouvais pas spécialement intéressant pour la plupart des gens, j'étais intelligent mais pas dans l'extrême, je n'étais pas moche à regarder de la même façon. Mon caractère pouvait se trouver insupportable pour la plupart des gens : j'étais curieux, trop franc, trop sentimental. Avec les gens que je ne connaissais pas, j'étais froid, pratiquement méchant. Il était assez intéressant de voir les différences de comportement entre les gens que je connaissais ou pas, comme si j'étais une personne différente. J'étais méfiant. Mais la plupart du temps, je prenais en confiance au fur et à mesure et me laissais tomber totalement dans les filets de la personne qui se comportait bien avec moi. Était-ce le cas avec Chenault ? Oui, je pouvais dire que oui. Je lui faisais confiance à présent, et peut-être était-ce une erreur. Après tout, elle aurait très bien pu être une meurtrière de sang froid que je ne le saurais pas. Je ne savais pas où elle habitait, ce qu'elle faisait. A vrai dire, elle en savait beaucoup plus sur moi que je n'en savais sur elle. Et cette caractéristique pouvait être assez étrange pour les personnes extérieures. Dans une relation, on est censé se raconter des choses des deux côtés, non ? Je n'avais jamais été habitué à ça. C'était la même chose avec Cyrène : je ne connaissais pas tout d'elle comme elle connaissait tout de moi.

J'attendais patiemment sa réponse. D'un côté, j'avais envie qu'elle me dise que oui, elle se comportait comme cela pour moi. D'un autre, j'en avais un peu peur, puisque je me sentis attiré par elle comme un métal avec un aimant. color=indianred]« Je ne suis pas comme ça avec tout le monde. »[/color] Elle ne me regardait pas, et ainsi, je ne retenais pas le petit sourire qui s'afficha sur mon visage en coup de vent. J'aimais me sentir spécial comme je ne le sentais jamais. Oui, je me sentais trop normal la plupart du temps. J'avais l'impression de me fondre dans la foule et de ne rien faire pour que les gens préfèrent me fréquenter aux autres. « Les gens diront même que je suis plutôt froide, ce qui est vrai. C'est juste que. Je ne sais pas vraiment en réalité le pourquoi du comment, je ne peux donc pas te dire pourquoi. Mais c'est ainsi Hermès. » Froide ? Je levais mes sourcils. Elle n'avait jamais été froide avec moi .. Enfin .. Peut-être après notre bagarre de rencontre. C'était vrai que j'avais tendance à effacer le passé pour me concentrer sur le présent. Et ainsi, je pensais qu'elle était adorable et agréable. Elle semblait présenter cette caractéristique de sa personnalité comme une fatalité et je ne comprenais pas exactement pourquoi. Elle avait le choix d'être froide ou pas, non ? Mais je n'osais pas me lancer dans un grand discours sur les choix humains et la liberté de penser parce qu'on ne pourrait pas m'arrêter. Elle releva la tête vers moi et me fit un petit sourire en coin, un peu triste selon moi. Je lui répondais par un sourire doux et sincère. Elle semblait dans un désarroi profond, et j'avais juste envie de me lever pour aller l'enlacer et lui dire que tout irait bien. Seulement, je me disais que ce serait déplacé.

« Puis-je à mon tour t'en poser une ? » Je hochais la tête sans rien dire, me demandant ce qu'elle pourrait bien me poser comme question. Je pensais me comporter de façon égale à moi même la plupart du temps. Car c'était une qualité que j'aimais plus que tout : la sincérité. Je ne m'embarrassais pas de manières ou de mensonges avec les gens, car c'était inutile. L'honnêteté primait sur tout et c'était ainsi que je me comportais. « Tu es mal à l'aise quand je m'approche parce que tu as quelqu'un dans ta vie n'est-ce pas. » Mon sourire s'affaissa et je baissais mon regard vers mon liquide avant d'en boire une petite gorgée qui me brûla la langue. Quelqu'un dans ma vie ? Tout le monde en avait un. Une personne qui comptait plus que toutes les autres et dont on pensait continuellement, par rapport à tous les choix et comment ils l'affecteraient. Cyrène était cette personne pour moi et je pouvais avouer sans hésiter que je l'aimais passionnément et que je ne l'oublierais pas de sitôt. Seulement, il y avait tout ce en quoi elle croyait qui nous séparait. J'étais pour la rébellion, elle était pour le Capitole. Et ce petit fait, bien que semblant peut-être insignifiant pour la plupart des gens, me semblait une véritable condamnation.

« Tu as raison, » Je soupirais, passant mes mains dans mes cheveux comme me préparant à parler pendant plusieurs heures. « J'aime une femme. Elle est .. tout simplement extraordinaire mais elle ne semble pas partager mes sentiments. Alors je ne sais pas comment me comporter avec les autres. » Je lui avais dit tellement de fois que je l'aimais, et jamais elle ne me l'avait dit en retour. Cela me semblait tellement simple, et elle semblait avoir du mal même à le penser. Je savais qu'elle tenait à moi, mais si elle m'aimait ? D'un amour fou et inconditionnel comme le mien ? Je n'en savais rien. Ou peut-être préférais-je ne pas me dire qu'elle ne m'aimait pas pour ne pas tomber dans une déprime profonde. Dans tous les cas, je savais que ce n'était pas clair dans sa tête, ni dans la mienne. « Je crois que notre histoire est condamnée de toute façon. Elle n'avouera jamais qu'elle m'aime, même si c'est la vérité. Elle n'arrivera jamais à se comporter d'une façon qui ne me fera pas souffrir. » Je restais silencieux quelques minutes, concentré sur ma boisson, avant de relever le regard et de rire un peu. « Désolé, je ne voulais pas te faire des confidences comme ça mais vu que tu as posé la question j'essaie de t'expliquer la situation du mieux que je peux .. Parfois j'ai l'impression que ... » Je m'arrêtais, me mordant la langue. Qu'allais-je dire ? Je prônais l'honnêteté et je n'arrivais même pas à être honnête avec moi même. Ni avec Chenault. « Parfois j'ai l'impression que cette histoire ne m'apportera que de la souffrance. » J'exprimais ce que je pensais. Mais cela ne changeait pas le fait que je ne pensais pas être capable d'abandonner Cyrène. Elle était pratiquement ma vie et je l'aimerais toujours. Si elle me faisait souffrir, soit. Je pouvais souffrir pour qu'elle soit heureuse.

J'avais cette capacité à faire parler les gens, à les faire se confier pour leur permettre de penser à autre chose qu'à moi, qu'à ma propre identité qui restait un réel mystère pour beaucoup de personne. Je pouvais les compter sur les doigts d'une main très facilement. Il n'y avait que Graham. Et encore. Ce n'était pas complètement vrai. En réalité, il n'y avait personne, absolument personne qui me connaissait puisque moi-même, je ne savais pas qui j'étais. N'importe qui aurait cherché le moyen de retrouver sa voie, de connaitre ses racines, de chercher la moindre infrmation. Il m'arrivait de me demander si j'avais des frères, des soeurs, des parents, une famille, quelque chose dans ce genre, avant de penser à Graham. C'était lui ma famille, lui à qui je devais tout. Sans lui, j'aurais été réduite à néant par les pacificateurs. Mon charme naturelle n'aurait pas joué sous cette pluie battante qui avait annoncé mon réveil, je le savais. Je me sentais bien plus forte que lorsque je m'étais réveillée sous cette pluie. Beaucoup plus. Je me rappelle encore cette sensation de ne rien savoir. Cette sensation d'être consciente, de voir le monde, mais de ne plus se rappeler de rien. Absolument rien. Le néant complet, comme un trou noir qui vous aspire à l'infini. Je ne pouvais pas lutter et je mettais laisser couler, sombrer, jusqu'à ce qu'il tombe sur moi. Heureusement, c'était lui que j'avais croisé en premier, et jamais je ne pourrai le remercier assez. Je tenais tellement à lui. Je lui posais alors une petite question, toute simple, qui tournait plus comme une affirmation en réalité. Peu d'hommes résistaient à mon charme quand j'y mettais du mien. Mais Hermès, il avait ce petite quelque chose qui montrait qu'il ne se sentait pas à l'aise. Et comme il était sincère, il ne pouvait pas le cacher. C'était appréciable en réalité, de savoir ce que pense la personne en face de vous, même si je préférais nettement que mes pensées restent personnelles.

Il baissa la tête devant cette interrogation, se concentrant sur le liquide en face de lui. Buvant d'ailleurs une gorgée, je ne l'imitais pas, préférant nettement attendre que la température redescende. Non, je restaus bloquée sur ses expressions pour trouver la moindre chose qui pourrait s'avérer utile dans l'avenir. J'étais comme ça, j'avais été formé de la manière à toujours avoir une protection, un coup d'avance sur tout le monde, pour au final gagner. « Tu as raison, » Commença-t-il. Oui, ça, je le savais, mais je ne fis aucune remarque, voulant le laisser continuer dans son élan, il avait certainement du mal à trouver les mots, les bons mots. C'était délicat de trouver les bons mots pour exprimer ce qu'on sent réellement. J'avais également une personne qui comptait énormément, Graham. Mais je ne pouvais pas exprimer notre relation. Trop complexe, trop sensationnelle, trop fusionnelle pour pouvoir y mettre les mots justes. « J'aime une femme. Elle est .. tout simplement extraordinaire mais elle ne semble pas partager mes sentiments. Alors je ne sais pas comment me comporter avec les autres. » Hum. Une femme. Un petit quelque chose à découvrir, savoir qui pourrait en avoir après moi si je restais aussi proche d'Hermès, même si au fond, d'après ce que je comprenais, elle n'était pas tellement dans cette relation dans son intégralité. C'était dommage pour Hermès, mais c'était tant mieux pour moi, je pouvais alors être proche de lui à mon aise et cacher mes secrets sans avoir de pilier au milieu de ma route. Pas que ça ne m'arrête. Au contraire. Mais disons que c'est plus facile dans ce genre de cas là. « Je crois que notre histoire est condamnée de toute façon. Elle n'avouera jamais qu'elle m'aime, même si c'est la vérité. Elle n'arrivera jamais à se comporter d'une façon qui ne me fera pas souffrir. » Je fis une petite mine compatissante, pour qu'il voit que j'étais désolée pour lui, que j'étais ... Sensible à sa douleur, à son histoire, ce que je n'étais pas réellement. Peut-être un peu, légèrement, au fond de moi, mais pas suffisamment, je ne le devais pas de toute manière, me prendre de sympathie pour n'importe quelles personnes. Non, il n'y avait que Graham qui pouvait me contraindre, seul lui, les autres n'étaient que les pions d'un gigantesque échiquier.

« Désolé, je ne voulais pas te faire des confidences comme ça mais vu que tu as posé la question j'essaie de t'expliquer la situation du mieux que je peux .. Parfois j'ai l'impression que ... » Dit-il, relevant le regard vers moi, affichant toujours ma petite mine. Je continuais de garder le silence, préférant le laisser terminer sa phrase avant toute chose. « Parfois j'ai l'impression que cette histoire ne m'apportera que de la souffrance. » Une question me venait en tête. Qu'est-ce que devait faire une personne normalement constituée. Je ne savais pas ce que je devais faire. J'en avais aucune idée. Le rassurer, surement. « Ne t'excuse pas. » Commençais-je, l'air de dire que ce n'était pas sa faute, mais la faute de cette fameuse femme. Je ne connaissais pas la sensation qu'il ressentait, car je n'étais accrochée à personne, ou n'avais jamais été accrochée à personne qui me rejetais. La seule personne était lui, et il ne me ferait pas ça, pas à moi. Non, je ne pouvais pas le penser. « Parfois les impressions se révèlent être vraies. » Mon devoir était surement de le libérer de cette embuche qu'il avait. Il était tel un prisonnier. « Peut-être que tu devrais lui dire, lui poser un ultimatum, et peut-être que tu te sentirais mieux. » Je marquais une pause. Je n'étais vraiment pas faite pour ce genre de conversation. Non, chassait la naturelle, il revient au galop. « Tu as l'air prisonnier. C'est mon avis, c'est ce que je vois. » Je levais ma tasse, la portant à mes lèvres, buvant une légère gorgée, avant de la reposer et le regarder dans les yeux. Je n'avais rien d'autre à dire. Non, vraiment rien. Je n'étais pas une bavarde, et j'étais plutôt froide. Ca ne me ressemblait pas. Non, lorsque j'étais aussi proche d'une personne, c'était hypocrite, c'était mon but, et là, j'avais besoin qu'il me fasse confiance, il l'avait fait, en me parlant de cette histoire, je prenais ça pour. Ma satisfaction s'était élevée en quelques secondes et un sourire s'afficha sur mes lèvres.

Je ne savais pas comment elle s'y prenait. Je ne parlais qu'à peu de personnes, et je me confiais encore moins. Alors, comment avait-elle réussi à m'arracher ces informations ? Comment avait-elle réussi à changer la façon dont je me comportais, spécialement pour elle ? Peut-être parce qu'elle me semblait .. être capable d'écouter. Peut-être de me conseiller. Elle semblait être intelligente et, pesant le pour et le contre, j'aurais eu plus à perdre de ne rien lui dire que l'inverse. Je semblais ouvrir mon cœur à Chenault, et elle pouvait, dans cette position, le poignarder comme il lui semblait bon de le faire. J'espérais simplement ne pas m'être trompé sur elle. Chenault me semblait être une bonne personne, quelqu'un qui était altruiste. Elle avait du mal à être honnête mais ce n'était pas quelque chose de mauvais chez elle, non, simplement une sorte d'incapacité à être totalement elle même. Et j'avais envie de l'aider, j'avais cette envie d'en apprendre également plus sur elle, comme elle en apprenait sur moi. La vie était courte, et je me disais à ce moment là que les contacts humains étaient agréables, et que je devais chérir le peu de ceux-ci que j'avais. Chenault en faisait partie. Alors, je devais faire attention à elle. Mon instinct protecteur était également en train de monter en puissance, puisque plus le temps passait, plus j'avais envie d'apprendre si il y avait des choses qui lui faisaient peur. Pas pour l'utiliser contre elle, non, mais simplement pour pouvoir la protéger et qu'elle se sente mieux. Je pouvais me ficher comme de mon repas d'il y a trois mois des inconnus, mais dès que je devenais quelque peu attaché à une personne, tout cela changeait. Ainsi je lui parlais de Cyrène, sujet qui, au final, était très peu abordé par ma personne. En effet, il me semblait que je n'avais parlé de Cyrène qu'à mes amis du onze, mais au un .. Seulement Chenault. Et je n'entrais jamais dans tant de détails comme je venais de le faire. Je me sentais nu, dépecé de toute protection, et n'avait pas assez de crainte par rapport à ce qu'elle pouvait faire avec cette situation. Si elle le voulait, elle pouvait me détruire.

 « Ne t'excuse pas. » Un petit sourire s'afficha sur mon visage, témoignage de ma reconnaissance envers la jeune femme. Parfois, je n'avais pas besoin de disputes et de passion comme j'en avais avec Cyrène. Parfois, j'avais simplement besoin de compassion et d'un peu de compréhension. Comme Chenault m'en apportait. Je ne mettais pas l'un au dessus de l'autre : tout était si différent. Je buvais une autre gorgée de mon thé, même si le goût n'était pas très agréable. Mais au moins, cela me remplissait le ventre, et me réchauffais quelque peu. « Parfois les impressions se révèlent être vraies. » Je relevais le regard vers Chenault, quelque peu surpris. Que venait-elle de dire ? Cela semblait sous entendre que je devait couper les ponts avec Cyrène. Que l'amour était peut-être fort, mais que le bien être des deux membres était essentiel. Ou en tout cas, c'était comme ça que je le comprenais. Que je devais la quitter, définitivement, pour de bon, et pas comme d'habitude pour mieux revenir vers elle par la suite. Je ne savais pas si Chenault disait ça dans son propre intérêt ou dans le mien, et dans le doute, je préférais la deuxième option. Après tout, je voulais la considérer comme mon amie et non comme mon ennemie. « Peut-être que tu devrais lui dire, lui poser un ultimatum, et peut-être que tu te sentirais mieux. » Ha, le fameux ultimatum. Ne lui en avais-je déjà pas posé ? N'avais-je pas été celui à craquer au final ? Non. Cyrène et moi craquions tous les deux, à chaque fois, se séparant pour mieux se retrouver. C'était simple, je n'imaginais pas ma vie sans la jeune femme qui avait pris une place si importante dans mon cœur. « Tu as l'air prisonnier. C'est mon avis, c'est ce que je vois. » Mon regard se perdit une fois de plus dans ma tasse, réfléchissant à ce qu'elle venait de dire. C'était un avis objectif sur la situation, et pas dans un quelconque intérêt pour Chenault. Que retirerait-elle de ma séparation avec Cyrène ? Rien. Ce n'était pas comme si je passais tout mon temps avec l'une et aucun avec l'autre, ce n'était pas de ce genre là. Alors, je réfléchissais, l'idée germant dans mon esprit et y prenant une place importante. Peut-être que oui, je devrais le faire. Lui dire, sois avec moi complètement, ou pas du tout. Dis moi que tu m'aimes si tu le ressens, et si tu ne le ressens pas, je n'ai plus rien à faire avec toi. Ces choses me semblaient tellement cruelles, mais n'était-ce pas cruel en premier lieu de me laisser dans cette attente perpétuelle ? Dans ce besoin de plus, que je n'aurais jamais ?

Je l'observais afficher un petit sourire. Je ne savais pas ce que celui-ci voulait dire : j'étais tout sauf heureux, moi. Alors, lentement, je bus une nouvelle gorgée de ma boisson. Un silence plana dans la pièce quelques minutes, durant lesquelles je pensais. « Tu as sûrement raison. » Je n'arrivais pas à réaliser que je mettais la parole d'une fille que je connaissais à peine au dessus de la fille qui représentait tout pour moi. Ce n'était pas que j'avais plus d'affection pour Chenault, non, mais qu'elle avait su me captiver et me faire croire à la justesse de ses paroles. Je tenais bien plus à Cyrène il n'y avait pas de doute sur cela. « Arrêtons de parler de ça, je vois bien que tu n'es pas à l'aise. » En fait, le seul mal à l'aise dans la situation était moi. Mais je n'osais pas l'avouer, lui dire que je n'étais pas doué pour parler de ces choses là, quand elle semblait savoir tout dire pour prodiguer les bons conseils. Je me levais et allais vers ma commode pour sortir une petite figurine de bois que j'avais sculptée pour Chenault. Je reviens à ma place et lui montrais la petite sculpture. Elle représentait un loup blanc, blanc que j'avais obtenu avec un reste de peinture que l'on m'avait donné. « Je sais que ce n'est pas grand chose, mais disons que c'est un gage de ma gratitude. Tu m'aides vraiment, Chenny. » Le petit surnom affectueux que je venais de lui donner était sorti tout seul de ma bouche et au final, je décidais de ne pas me reprendre. Si elle n'en voulait pas, elle n'avait qu'à le dire, je ne me vexerais pas. L'honnêteté avant tout. « Enfin si t'en veux pas tu peux toujours la jeter dès que tu rentres chez toi. D'ailleurs, je ne sais absolument pas où tu habites, et avec qui. Dis m'en un peu sur toi ! J'ai l'impression d'être le seul à parler ! »

Je l'avais surpris avec mes dires, c'est vrai, il s'était surement attendu à ce que je sois plus ... Subjective ? Plus sensible ? Plus passionnée ? Plus une jeune fille normale en outre, ce que je n'étais absolument pas. Faire preuve de sentiment pour les autres n'étaient pas mon rayon, pas depuis que je m'étais réveillée, et je me voyais mal dans le passé avoir été une douce jeune femme. Non, on ne changeait pas une personne comme ça. Alors oui, je lui avais dit des choses que beaucoup pense, mais que peu disent. C'était une preuve d'honnêteté non ? On pouvait le prendre comme on voulait, pour moi, c'était comme une vague, une vague qui s'écrase sur la place et ramène avec elle quelques grains, puis recommence, et recommence à l'infini gagnant ainsi du territoire. Il semblait réfléchir à mes dires, consciencieusement, docilement, sagement, tout en fixant sa modeste tasse. Moi, je le regardais, le fixais sans gène, après tout, pourquoi en avoir. Alors j'attendais patiemment qu'il prenne la parole, qu'il me réponde quelque chose, en espérant que je ne l'ai pas vexé pour si peu. Je pouvais être beaucoup plus froide, mais ici, ce n'était pas mon but, loin de là. Il ne fallait pas non plus qu'il se pose trop de questions, ça pourrait se retourner contre moi.
« Tu as sûrement raison. » Sa voix brisa le silence qui s'était installé sans prévenir et me ramena dans la pièce alors que mon esprit était partie voyagé à travers la fenêtre qui ouvrait une vue sans égale. Je le fixais, sans montrer ma satisfaction grandissante. Evidemment que j'avais raison. C'était une évidence, mais j'étais assez surprise, au fond, qu'il me le dise aussi facilement, aussi rapidement, lui qui semblait croire dur comme fer à cette soit disant idylle destructrice avec une femme. J'avais l'art de manier la confiance des autres, surement du à mon apparence d'ange, qui ne révélait certainement pas ma véritable personnalité.

« Arrêtons de parler de ça, je vois bien que tu n'es pas à l'aise. » Au fond, ce n'était pas complètement faix. Parler de sentiment, d'humanité, et tout ce qui s'en suit, n'était pas tellement mon rayon, je n'avais pas apprit tout ça, Graham m'avait pas apprit la vie dans ce sens, et je pouvais facilement m'y perdre. Je hochais alors la tête comme pour le remercier, voyant très bien que ça l'arrangeait également. Il se leva alors, pendant que je portais la tasse vers mes lèvres, goutant le liquide assez ... infect. Il n'y avait pas à dire, ce n'était pas le nectar le plus juteux du district un, mais bon, je ne fis aucune remarque, je me contentais de reposer la tasse à son emplacement. Il fouilla quelques petites choses avant de revenir et poser une petite figurine sur le bord de la table, en ma direction. Je la fixais, légèrement rêveuse, trop à mon goût, mais parfois, il y a des choses qui ne se contrôlent pas ... Faux. Tout se contrôle, je repris conscience pour lever mon regard vers Hermès, légèrement incompréhensible, même si mes pupilles avaient tendances à s'engager sur la route du loup blanc. « Je sais que ce n'est pas grand chose, mais disons que c'est un gage de ma gratitude. Tu m'aides vraiment, Chenny. » Je restais sans voix pour deux raisons. La première, parce qu'il m'offrait quelque chose, à moi, Chenault, celle qui tentait de le manipuler. Alors oui, un sourire incontrôlable s'inscrit sur mes lèvres, alors que ma main voulait dévier vers la petite figurine pour s'en emparer. La deuxième raison, c'était le surnom. Un surnom qui me radoucissait d'un seul coup, comme si tous les actes que j'avais pu commettre s'effacer dans la brume et la poussière du bois. Je restais de marbre avec un sourire surement niais sur les lèvres. Stupide. Délire. Naïve. Il fallait que je me reprenne. « Enfin si t'en veux pas tu peux toujours la jeter dès que tu rentres chez toi. D'ailleurs, je ne sais absolument pas où tu habites, et avec qui. Dis m'en un peu sur toi ! J'ai l'impression d'être le seul à parler ! »

Je souris devant ces dires. Bon, je souris pour sourire et effacer le précédent. Il commençait à me poser des questions. Mauvaise chose. Je ne pourrai certainement pas répondre à toutes. Mes doigts entourèrent la petite sculpture la ramenant vers moi. Le contact du bois travaillé me rendit nostalgique. Nostalgique de quoi ? Strictement aucune idée. Je passai sur cette émotion incongrue pour me concentrer sur les détails de l'objet. C'était minutieux. Très minutieux. Je n'étais pas experte dans l'art, mais j'avais un bon maitre à la maison. Le meilleur même. Est-ce que je comptais jeter la figurine ? Non. Peut-être devrais-je, mais l'envie n'y était pas. Il suffisait que je la cache pour que Graham ne l'a voit pas. Il me poserait trop de questions, et je ne résisterai pas à lui dire la vérité. Soit le fait que j'ai presque tabasser un homme du district un, ce qui pouvait augmenter les doutes autour de nous. Très mauvaise chose, mais j'allais me débrouiller. « Hermès c'est ... Merci. » Parfois, il ne vaut mieux pas s'éterniser sur les mots et aller droit au but, surtout quand on est moi et que sentiment ne fait pas partie de votre vocabulaire. « Je ne compte pas la jeter, c'est vraiment magnifique. » Mieux que ses tasses en tous les cas. Maintenant, répondre à la question. « Je ne suis pas du genre bavarde, je suis plus à l'écoute vois-tu. Mais pour tout te dire, j'habite pas très loin, au plus proche des champs. J'habite d'ailleurs avec mon frère ainé, je ne sais pas si tu le connais, c'est un grand peintre. » Ne pas s'éterniser sur Graham. Ce n'était pas mon frère, mais c'est ce que tout le monde pensait. Je commençais déjà à lui mentir, mais comment lui dire que j'étais qu'une amnésique d'un district inconnu. « Tu sais, je n'ai pas une vie des plus intéressante. »

J'aimais prendre mes aises, me rapprocher de la jeune femme. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu de vrais contacts amicaux avec quelqu'un, à vrai dire, depuis mon départ du district onze. Les gens se là bas me manquaient, car je ne m'étais jamais vraiment intégré au district un. J'avais l'impression que ma vie tournait autour de mon travail et de Cyrène, ce qui me dérangeait la plupart du temps. J'aimais me dire que j'étais solitaire et n'avais besoin de personne mais bien évidemment, c'était faux. J'avais besoin de contacts humains comme la plupart des gens et j'aimais me complaire dans mon désespoir. A vrai dire, peut-être que j'aimais être misérable et seul, et que c'était la raison pour laquelle je faisais toutes ces histoires avec Cyrène et ne parlais à personne. Mais à présent, j'avais parlé à quelqu'un : Chenault. Et elle m'écoutait, me conseillait. Comme une amie. Je me demandais si je m'avançais trop à la considérer comme ça, et me gardais bien de lui demander ce qu'elle en pensait. Sûrement qu'elle prendrait peur et se dirigerait vers la porte en courant. J'avais le don pour tenir plus aux personnes qu'elles ne tenaient à moi, même si je ne le montrais pas forcément tout de suite. J'étais distant la plupart du temps, jusqu'au moment où je prenais confiance et m'ouvrais totalement. Avec Chenault, cela me semblait naturel. Il ne me venait pas en tête qu'elle puisse se jouer de moi, qu'elle puisse me manipuler. Je voyais juste une jeune femme un peu perdue qui cherchait sa propre identité, et qui savait parler.

Lorsque je sortis la petite figurine, je fus heureux de voir ce sourire sur son visage. Ce sourire un peu niais qui la rendait vraiment jolie. Je souriais moi même qu'elle ait l'air aussi contente, tout en ayant légèrement peur qu'elle soit en train de se moquer de moi. Finalement, je l'observais prendre la petite figurine entre ses mains, ses mains délicates. Lentement, je remontais le regard de ses mains jusqu'à son visage et attendais qu'elle fasse quelque chose. Allait-elle feindre le vomissement devant cette horreur, ou allait-elle s'exclamer que c'était un geste très bon et qu'elle était sincèrement émue de cette attention ? Elle semblait réfléchir. Le silence me parut si long, si long ! Que je ne savais moi même ce à quoi penser. Peut-être fallait-il que je parle avant qu'elle ne s'endorme, mais je ne voyais pas ce que je pouvais ajouter.  « Hermès c'est ... Merci. » Ce simple mot « merci » me fit chaud au cœur. Littéralement. Je sentis la chaleur monter dans ma poitrine et je riais doucement, comme relâchant toute la pression s'étant accumulée dans l'attente.  « Je ne compte pas la jeter, c'est vraiment magnifique. » Magnifique ? Des étoiles pouvaient se voir dans mon regard, alors qu'elle tenait toujours mon œuvre entre ses mains. Peut-être que j'avais de l'avenir dans cet artisanat, si les gens du district un pouvaient se mettre à apprécier le bois. C'était pour cela que j'étais aussi pauvre : entre un diamant et une bûche, il était facile de choisir. Mais Chenault n'avait toujours pas répondu à la question la plus importante, la réponse que j'attendais plus que tout. En apprendre un peu plus sur elle. « Je ne suis pas du genre bavarde, je suis plus à l'écoute vois-tu. Mais pour tout te dire, j'habite pas très loin, au plus proche des champs. J'habite d'ailleurs avec mon frère ainé, je ne sais pas si tu le connais, c'est un grand peintre. » Les champs, ce n'était pas l'endroit que je préférais. Je ne me sentais moi même que dans les bois, et la nostalgie m'habitait lorsque je voyais ne serait-ce qu'un épi de maïs. Je venais du district de l'agriculture et revoir tout ça me rendait trop triste. Quand à son frère aîné, je ne le connaissais pas. Ou peut-être que si et que j'avais oublié. En tout cas, sa description me donna bien envie de le connaître cet homme, puisque toute sorte d'art me passionnait. Depuis que j'avais découvert mon propre talent pour la sculpture, j'avais envie de voir des beautés dans tout Panem. Chose impossible. Je n'avais pas assez d'argent pour m'acheter ne serait-ce qu'une minuscule peinture. « Tu sais, je n'ai pas une vie des plus intéressante. » Je soupirais.

« En tout cas, ta vie est déjà plus intéressante que la mienne ! Tout ce que je fais, c'est couper du bois. Enfin, c'était ce que je faisais puisqu'à cette période de l'année, plus personne n'a besoin de se chauffer, et encore moins au bois .. » Je soupirais tristement, pensant à mes problèmes d'argent qui devenaient de plus en plus sérieux. Cyrène voulait m'aider mais je refusais catégoriquement, ayant toujours ma fierté sur le cœur. Pendant quelques secondes, je me dis que je devrais peut-être accepter de l'aide. Après tout, je mourrais pratiquement de faim, me remplissant de thé aux aiguilles de pin. Mais devoir quelque chose à quelqu'un était une idée tout à fait repoussante. « Je peux te demander quelque chose, Chenault ? » Je relevais la tête, cherchant son regard. Cela me rassurait. J'avais vraiment envie d'avoir une relation amicale avec elle, car je me sentais bien en sa compagnie.  « Je ne fréquente pas beaucoup de personnes, mais tu es quelqu'un que j'aime beaucoup. Alors, je me demandais si tu voulais bien que je t'appelle amie. » C'était assez étrange de poser une question pareille, mais j'avais l'impression que Chenault pourrait être en désaccord avec cette idée. Alors, je sentais bon de lui demander. Je grattais alors nerveusement ma main en attendant sa réponse. « On dirait un gamin, je sais ! C'est que j'ai l'impression que tu ne connais pas beaucoup de personnes, comme toi. Je t'ai dit des choses, je te fais confiance, et je me disais que ce serait bien que tu puisses savoir que tu peux me faire confiance, à moi aussi. » Je lui adressais un sourire que j'espérais réconfortant.