Cette histoire débute sur un air de comptine pour enfants, le fameux jour où elle est rentrée en maternelle. Petite fille aux cheveux clairs lui arrivant aux épaules s'accrochant à la jupe de sa mère dans sa robe bleue toute neuve. Un grand jour dans sa vie énonçaient ses géniteurs avec un large sourire attendrie. Avant ce jour, sa vie ce n'était qu'une vie comme toutes les autres. Aussi banale que n'importe quel gamin de cinq ans pioché au hasard dans sa classe. Elle est née d'un homme et d'une femme qui se rencontrèrent, se plurent et sortirent ensemble, finirent par se marier, s'aimèrent beaucoup, eurent leur seul et unique enfant : Xénobia. Rien de passionnant ou de dramatique, rien d'extraordinaire non plus, pas de quoi écrire un vulgaire fait divers dans le journal local.
Comme tout enfant entrant en maternelle, elle avait le trac et la boule au ventre. Après tout, elle allait donner sa première représentation au monde. Bientôt sa génitrice à coups de mots rassurants et en lui caressant tendrement les cheveux l'abandonna à cette jungle que semblait l'école, promettant de revenir le soir-même. La gamine avait ravalé ses larmes comme elle pouvait en voyant son seul repère la laisser à son triste sort et la trahir de la pire façon qui soit : la plus doucereuse. Elle se retrouvait seule et perdue au milieu d'enfants qui criaient, courraient, se tiraient les cheveux, chahutaient comme des petits sauvages mais, surtout qu'elle ne connaissait pas. Elle voulait rentrer à la maison pour jouer avec Amadeus, le fils des voisins, et ne plus jamais revenir dans cet horrible endroit. Malheureusement, bien contre sa volonté, elle se retrouvait forcée de serrer les dents comme une grande et prendre son mal en patience.
C'est alors que lui apparut un paradis dans cet univers inconnu : le bac à sable, exactement comme celui dans le parc où son papa l'emmenait chaque samedi, ou le seul endroit familier (et donc rassurant) de cet étrange endroit que tout le monde appelait école. Un peu maladroite, elle prit la direction de son oasis et y posa timidement un pied. Il y avait bien un petit garçon qui y jouait déjà mais cela ne l'arrêta pas. Elle était en chemin pour construire le plus beau château de sable où son prince charmant serait censé venir l'y chercher quand soudain, on lui écrasa le pied. Elle glapit de surprise. Le voyou, le malotrus, le bandit ! Il venait d'écraser ses pauvres orteils. Sa main partit d'elle même s'écraser sur le crâne du goujat.
Ce que la jeune Xénobia n'avait pas prévu en revanche serait que le fautif riposterait en lui lançant un regard accusateur. Évidemment, elle ne pouvait pas décemment laisser passer l'outrage et le frappa à nouveau, un peu plus fort, en s'indignant d'ailleurs de s'être fait taper par un garçon. Comme le disait si bien sa maman à Min Su quand il avait essayé, un gentleman ne frappe jamais les femmes. Mais l'enfant ne sembla pas décidé à lui laisser sa victoire et riposta à nouveau. Ni l'un, ni l'autre ne semblait décidé à perdre cette bataille et cela finit en un crêpage de chignons de maternelles des plus sanglants de toute l'histoire de l'humanité.
La demoiselle Zachary se laissa tomber à genoux, à côté de son camarade, dans un soupir épuisé. Ils s'étaient tirés les cheveux, les vêtements, malaxer et déformer le visage et elle avait même essayé de lui mordre le bras. Elle joua quelques secondes avec une de ses mèches avant de tourner la tête vers son précédent adversaire et lança avec excitation :
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- Eeh dis ! Tu veux jouer à un jeeu ?!- ...Quoi comme jeu ? questionna le garçon qui semblait un brin sceptique.
- Ma grande sœur m'en a raconté un nouveau !- Ouuais mais, c'est quoi comme jeu ?- J'te dis un truck et tu me dis si t'es cap ou pas de le faire.- Euh...ouais.- Cool ! Aloooors cap ou pas cap...commença l'enfant.
- De chanter le générique de pokémon en entier. Sans te tromper. fut-elle interrompue.
- Eh c'tait à moi de dire !- T'es pas cap ?- Bien sûr que si ! Tu vas voir ! Au fait, moi c'est Xénobia.- Sidney. »
* * *
« - Maintenant, ouvrez vos livres à la plage cent trente-cinq où l'on peut voir que...»Xénobia ferma les yeux, la voix du professeur continuant de son ton monocorde comme un murmure lointain accompagné des divers bruits de chaises, de feuilles, de livres qu'on ouvre, de stylos, de mains qui farfouillent dans les trousses habituels d'une salle de classe. Elle mordilla son stylo, ouvrant un œil en entendant l'enseignant écrire sur le tableau noir quelques dates et retint un soupir d'ennui un peu trop bruyant. Du plus loin qu'elle se souvienne, elle n'avait été ne serait ce qu'un peu intéressée par les cours d'histoire, elle n'aurait pas pu déterminer si c'était les professeurs ennuyeux à mourir ou la matière en elle-même mais, elle restait incapable d'y prêter attention. La seule chose qui pouvait "l'amuser" dans l'histoire de Panem, c'était Les Hunger Games, où son père lui racontait tous les ans la même histoire, la boucherie, puis les districts, et enfin les Jeux. Elle connaissait la petite histoire par cœur.
La gamine lança un regard sur l'extérieur : magnifique ciel bleu, pas un nuage et la chaleur. Un léger courant d'air traversait la classe en provenance de la fenêtre ouverte. Elle maudit ceux qui se trouvaient à côté de celle-ci, pouvant regarder à loisir la fenêtre tranquillement et s'imaginer profiter de cette belle journée autrement que coincé ici. Son sort à elle était tout à fait différent, elle était obligée d'écourter ses rêveries avant de se faire reprendre d'un ton autoritaire.
La cadette releva alors la tête, les yeux brillants, laissant découvrir ses dents. Sid était une rangée devant, à deux places sur la droite de la fille juste devant elle. Le professeur avait refusé qu'ils se mettent à nouveaux à côté pour une raison qui lui semblait tout à fait obscure, ils avaient bien rigolé la dernière fois pourtant.
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- Psssh Sid. Murmura-t-elle, sans succès.
Eh Siiid.-...-Siiiid.-...-....Disneylaaaaand. Quelques élèves avaient rapidement tourné la tête vers elle.
-...- Sidney ! T'es sourd ou quoi ? »
Elle lâcha un soupire agacé mais, elle n'était pas résignée à abandonner. Elle attrapa fermement sa règle d'une main, la mine contrariée et étira son bras. Trop loin. La demoiselle Zachary prit appui sur sa chaise, vérifiant que Monsieur Bambi (c'était le surnom qu'ils avaient donné à ce vieux rabougri au regard de biche) était occupé auparavant. Elle étira son bras, se penchant encore un peu en avant pour atteindre sa cible, se retrouvant accroupie sur une jambe sur sa chaise, la main sur le bord du bureau. Elle tapa sur la tête brune de Sid'.
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- XENOBIA ! »
L'enseignant hurla, en se retournant. La gamine sursauta de surprise et, déconcentrée, perdit l'équilibre, tomba en arrière en se heurtant l'épaule contre le bureau dans un petit cri d'agonie. Elle se retrouva au sol sous le regard surpris de ses camarades, se frottant énergiquement son épaule.
«
- Qu'est-ce que tu faisais ? Continua-t-il, le ton sévère et les joues rouges alors que l'enfant se relevait.
- Je...euh...Devais rendre un cahier à Disn-Sidney ! Mais il est aussi sourd qu'une taupe vous savez.- Eeh ! Même pas vrai ! Protesta le concerné.
- Si !-Non !- Si !- Bon ça suffit ! Sortez immédiatement, tous les deux.-Mais Monsieur j'ai rien fait !- SORTEZ ! »
Xénobia quitta la classe en essayant d'avoir l'air digne, suivi de son complice à l'expression boudeur. Dés qu'il eut refermé la porte derrière lui, elle se retourna, un large sourire aux lèvres.
«
- T'as vu ! Il était tout rouge ! Comme du ketchup !- Mouais.- Boude pas.- ...- En plus tout ça c'ta faute !- Que...Quoi ?- Si t'étais pas aussi sourd, on en serait pas là abruti ! Enfin plus important...- Qui tu traites d'abruti, imbécile ?- Laisse-moi finir ! Donc... Elle marqua une pause.
J'ai faim.- Et tu pouvais pas attendre la fin du cours pour me dire ça ?- Mais c'pas ça que je voulais te dire! Il soupira, agacé.
Cap ou pas cap de me laisser te couper les cheveux ?- Attends...t'as fait tout ça pour me couper les cheveux ?- Ouaip !- Et ça pouvait pas attendre ? Elle sembla réfléchir.
- Non ! J'allais oublié puis les toilettes des filles sont libres maintenant en plus.- Hein ?- Ben faut bien que je te coupe les cheveux quelque part. Viens !- J'veux pas. Puis pourquoi les toilettes des filles ?- Les vôtre sont sales ma maman a dit.- C'est parce qu'elle y est jamais allée.- Et puis t'es cap ou pas ? T'es une poule mouillée ou quoi ?-...Non. Céda-t-il alors qu'elle l'entraînait avec elle. »
A la récréation, ce pauvre Sidney se retrouva avec la moitié de la tête coupée très court et le reste taillé en ciseau comme s'il s'était laissé couper les cheveux par un manchot aveugle, et déambula dans les couloirs jusqu'à ce qu'un surveillant l'arrête sous les éclats de rire de sa complice.
* * *
C'était une belle journée, il faisait chaud, c'était l'été et tout justifiait une visite improvisée chez Sidney. Et surtout, Xénobia avait obtenu de sa mère deux tickets pour le parc d'attraction le plus proche et évidemment, elle s'était empressée de rendre visite à son ami de toujours pour lui proposer de se rendre dans ce paradis. Elle a sonné, salué Madame Richarson avec un large sourire et avait grimpé les escaliers avant que la pauvre femme ait pu la prévenir de quoi que soit. La gamine avait ouvert la porte de toutes ses forces pour faire une entrée fracassante pour ce jour très spécial.
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- HEY DISNEYLAND, TU DEVINERAS JAMAIS ! » Avait-elle hurlé avec enthousiasme. Et là Sidney était censé tomber de son lit de peur et de surprise sauf qu'à la place de Sidney, elle pouvait distinctement voir une petite fille sur son lit. Elle a regardé la blondinette. Et l'espace d'un instant, elle s'est très sérieusement demandé si Sidney s'était transformé en fille pendant la nuit. Avant que son regard ne croise Sidney, dans un coin, sa basse à la main avec une expression gênée comme si elle venait de l'interrompre en pleine déclaration. Elle était mignonne, cette barbie en plus. La gamine inspira un grand coup, pointa lentement son doigt accusateur vers l'autre enfant et regarda avec insistance le garçon.
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- C'est qui, ça ?- Ça, c'est ma cousine.- Tu peux me le prouver ? Demanda-t-elle d'un ton suspicieux.
- J'ai pas relevé quand t'as dit « ça ».- Mais encore ?- Je peux la mordre, si tu veux, ça lui fera les pieds.- Hey ! Ça va pas dans ta tête, Sidney ! J'vais le dire à tatie ! »
L'air horrifié et le Tatie semblait naturel même si, sérieusement, c'était quoi cette fille ? Depuis quand il avait une cousine en plus ? Et puis il était la chercher où cette fille ? Et pourquoi elle était sur son lit à SA place d'abord ? Elle avait qu'à utiliser le sol. Elle en avait jamais entendu parler, elle, de la soi-disant cousine donc ils ne devaient pas être si proches. Et puis même, pourquoi elle n'était pas au courant ? C'était forcément une honte. Une criminelle recherchée, une sale gosse, une fille ennuyeuse à mourir qui se révélait aussi une squatteuse de première classe. Elle était peut-être même tombée d'un vaisseau parce qu'ils ne voulaient plus d'elle dans l'espace et elle a fini comme la cousine de Sidney. C'était forcément quelque chose comme ça. Xénobia fronça les sourcils.
Le regards des petites filles se croisèrent sans que l'une ne dise quoi que ce soit, exactement comme dans les vieux films de Western avec ce silence pesant qui plane autour. Les yeux de la demoiselle Zachary lançait des éclairs et la cousine du jeune Richardson n'était pas en reste non plus avec son air de pimbêche blonde. C'était comme si une troisième Guerre Mondiale se préparait dans la minuscule chambre.
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- Heu. Ouais. Lisa, j'te présente donc Xénobia. Xénobia, Lisa. Elle a un an de moins que nous. Elle est là pour une semaine. Si tu pouvais m'aider à la traîner jusqu'à la salle de bain, ce serait cool...- Comme si j'allais porter Miss Crapaud. Avait-elle répliqué en fusillant le garçon du regard.
- Merci ! Comme si j'allais laisser l'autre Sauvage me toucher. T'es vraiment un garçon, t'as aucun tact.- Je sais, il est tout le temps comme ça, c'est désespérant.- Totalement.- La bêtise Richardson doit être plus contagieuse chez les garçons, j'imagine. Elle se tourna vers Sidney :
Tu devrais avoir honte.- T'as pas l'air trop mal pour une sauvage. Au moins, TOI tu me comprends.- Comme s'il comprenait quelque chose de toutes façons.- Aucun tact.- Jamais. »
* * *
«
- Je m'ennuie ! Gémit la gamine en se laissant tomber sur son moelleux lit rose recouvert de douces peluches.
- T'as qu'à câliner une de tes peluches, ça te fera passer le temps.-
Mmh. »
L'enfant se mit à quatre pattes et se pencha de façon précaire au-dessus de l'épaule du garçon pour suivre ce qui se passait sur l'écran de sa console. Il fronça les sourcils comme agacé mais, ne détourna pas les yeux de son jeu. Elle se pencha encore un peu plus, gênée par les reflets des rayons solaires qui perçaient à travers les rideaux pâles. Un peu trop, ses bras flanchèrent et elle tomba sur le dos de Sidney qui ploya sous son propre poids alors que sa console tomba par terre.
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- XENOBIA ! »
Et elle éclata de rire alors qu'il la faisait rouler sur le sol et se relevait avec sa mine boudeuse d'enfant à qui on aurait volé sa sucette. Il alla récupérer la console où son personnage venait de se faire lamentablement tuer par un troll vert des forêts. Il grogna.
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- Tu sais combien d'heures j'ai mis pour en arriver là hein ? Et t'as tout gâché. »
Il lui tourna le dos. Xénobia réussit à calmer son hilarité ou du moins à la contenir en le voyant bouder à l'autre bout de la pièce. Il semblait drôlement fâché quand même comme Papa quand elle a accidentellement détruit son château de cartes. Elle attrapa sa mèche.
«
- Dis Siid...-...- Tu me boudes ?-...-Siiid...-...-Si tu veux je te fais un bisou !-...Hum. D'accord. »
Un sourire illumina le visage de la gamine qui se traîna sur les coudes jusqu'à son compagnon comme un lombric, dans sa robe blanche.
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- Qu'est-ce tu fais ? demanda-t-il alors qu'il l'observait d'une mine boudeuse, assez perplexe.
- Je viens te faire un bisou.- T'es ridicule.- Tais-toi sinon c'est moi qui boude et t'auras jamais ton bisou ! J'irai le faire à Dimdim parce qu'il est beaucoup plus gentil que toi !- Pauvre chat.- Idiot. »Elle était arrivée à sa hauteur et lui assena une pichenette sur la joue, une expression contrariée sur le visage. Mais, avant qu'il ne puisse émettre autre chose qu'un son plaintif et surpris, elle approcha ses lèvres de ses joues et y déposa délicatement un baiser. Tout comme les princesses dans les films ou plutôt comment maman avait dit que faisaient les princesses. Et maman, elle en savait beaucoup des choses ! Peut-être même que c'était une princesse. Il faudrait qu'elle lui demande un jour et qu'elle lui apprenne à en devenir une, aussi.
«
- Et si on jouait à un jeuuuu ?- Non.- Que...Pourquoi ?! s'écria Xénobia.
- La dernière fois que tu m'as posé cette question, j'ai fini dans les toilettes des filles. Elle se retint de pouffer.
- Non mais...On pourrait jouer à se poser des questions ! Comme action ou vérité avec juste vérité.- T'as des jeux bizarres quand même...- Non d'abord ! Et puis sinon je m'en vais et je te laisse tout seul !- D'accord.- Siid ! T'es trop méchant !- Tu me laisseras pas tranquille ?-Non.- Bon...D'accord. Jouons à ton jeu bizarre.-Il est pas...Peu importe. Je commence ! Elle s'assit sur les genoux.
Alors quelle est ma couleur préférée ?- C'est pas du tout action ou vérité ça !- Mais...C'est un détail ! C'était pour l'explication ! Réponds à la question.-Euh...Je sais pas. Le rose ?- T'es nul ! C'est le jaune. Soupira-t-elle avec désespoir.
- Mais ta chambre est entièrement rose ! Comment tu veux que je devine que c'est le jaune ? Se plaignit-il.
- Tu devrais le savoir, t'es juste nul. Question suivante, c'est à ton tour.- Est-ce que je peux rentrer chez moi ?- Non ! T'es pas drôle. Bon, à moi alors : est-ce que je dessine bien ?- J'veux pas répondre.- Allez !- Non. Tes oiseaux ressemblent à des tortues.- C'est juste toi qui y connais rien ! Et puis t'es trop pas délicat d'abord !- Mais c'tait ton idée !- Pour la peine j'pose une autre question. Quand est-ce que je suis née ?- Tu fais que poser des questions sur toi-même là...- T'as qu'à répondre sérieusement !- 15 août.- Exact ! Et toi t'es né le 3 mars. Donc encore à moi...- Eh j'ai pas posé ma question ! L'interrompit-il.
- Si !- Non.- T'es capricieux.- Est-ce que j'ai un frère ou une sœur ?- Aucune idée. Lâcha-t-elle sur un ton détaché.
- Mais je te l'ai déjà dit ! T'es même venu chez moi.- T'as plus de temps. A moi ! Quand est-ce que je vais me marier ?- Comment est-ce que tu veux que je le sache ? C'est comme si j'te demandais la couleur de mon caleçon !- ...Il est de quelle couleur ?- J'vais pas te l'dire ! Rougit-il.
- T'es pas drôle ! Je veux savoir.- Non.- Allez, genre t'es timide.- J'dis non. Et t'as pas intérêt à essayer de baisser mon pantalon.-Mais...comment t'as su ?- Trop prévisible.- Les enfants, le goûter est prêt !»
Xénobia s'interrompit alors qu'elle s'apprêtait à essayer de négocier l'information et se mit sur ses pieds. Elle attrapa la main de Sid' et le tira sans le ménager, manquant de peu de le traîner dans les escaliers. Maman avait promis un gâteau au chocolat après tout.
* * *
C'était une journée ordinaire. Banale. Sans intérêt. Ils avaient passé l'éponge sur l'évènement de la veille, comme si de rien n'était. Xénobia réparait une chaussure dans un coin de la chambre du seul enfant Richardson, se débattant difficilement avec le scotch qu'elle embobinait autour de sa chaussure. Une journée normale où elle avait encore fait une connerie en écoutant un défi de Sidney. Elle avait demandé le scotch et elle s'était installée dans un coin alors que Sid jouait encore sur son jeu.
L'adolescente était voûtée sur son ouvrage, les jambes croisées, les sourcils froncés et les yeux plissés dans une mine vacillant entre la concentration et l'agacement. Elle se demandait si la quantité de scotch permettrait de réparer la chaussure car, c'était franchement loin d'être esthétique. De temps à autre, elle remettait une de ses mèches claires qui venaient gêner son inutile travail. Quelle idée aussi de vouloir chevaucher un chien mais, l'idée lui avait semblait incroyablement brillante sur le coup. Et ce pauvre animal lui faisait mal au cœur, à l'imaginer tout seul dans la rue. Parce que c'est triste, une vie sans personne sur qui compter. Ce serait triste une vie sans Sidney.
«
- Xénobia.-Hmmm ?- Je t'aime.-Hein ? Ah, moi aussi je t'aime beaucoup. Mais attends, là, je suis concentrée, mon doigt est collé au scotch... C'est chiant... Marmonna-t-elle, fronçant encore les sourcils face à ce nouveau problème.
-Non, moi, je ne t'aime pas beaucoup. Je t'aime tout court. »
Boum. Elle s'arrêta alors que son pouce était toujours coincé et releva la tête vers l'adolescent, le regard interrogateur sans comprendre où il voulait en venir. Parce que c'était Sid et qu'elle était Xénobia. Elle l'aimait. Beaucoup, comme elle pouvait aimer quelqu'un avec qui elle avait l'impression d'avoir tout fait, quelqu'un qu'elle connaissait depuis sa rentrée à l'école, quelqu'un qu'elle voyait tous les jours et quelqu'un sur qui elle savait qu'elle pouvait compter. Elle était capable de tout faire pour lui si un jour il aurait besoin d'elle mais, c'était une sorte de meilleur ami, presque comme un frère.
«
- Qu'est-ce que tu racontes, encore...Avait-elle soupiré comme s'il racontait une idiotie.
-Ouais, je sais, ça fout un choc. Il semblait sérieux, vraiment sérieux.
-Arrête ça. C'est pas drôle, Sid.-J'plaisante pas.-Arrête.-Tu préfères que je te mente ?-Arrête j'te dis ! C'est pas amusant du tout ! Je rentre chez moi, pour la peine. J'reviendrai quand tu te seras calmé, avec tes histoires débiles ! »
Elle glissa son pied dans sa chaussure branlante, mit son sac sur une épaule, dévala les escaliers, salua rapidement Madame Richarson tout en lui certifiant qu'elle n'avait pas besoin que son fils la raccompagne et s'engouffra dehors pour rejoindre la rue. Elle était enfin sortie de cette maison. Comme si elle s'y était soudain senti étouffer par la présence de l'adolescent. Elle inspira l'air frais de la nuit tombante, remplissant ses poumons comme si elle avait retenu sa respiration bien trop longtemps et se mit en route.
Les maisons qui défilaient, les jardins, les lumières émanant des fenêtres. Elle n'habitait pas bien loin et ce n'était pas comme s'il faisait encore sombre mais, elle se sentait seule. Seule à déambuler dans les rues, minuscule silhouette. C'était comme si toute la ville se préparait à dormir. Elle s'arrêta.
«
- PUTAIN SIDNEY ABRUTI MEURS ! »
* * *
Comme vous l'avez compris, Xénobia est une sorte de peste, qui torture son meilleur ami de toujours. Si vous lui posez une question, elle vous parlera de lui en boucle, comme un vieux vinyle. Ce n'est pas une fille méchante, mais elle est un peu naïve. Paix à son âme.
Cap de survivre ? Cap.