La journée n’avait pas été très attractive, au début. Des confections de filets et de l’entraînement à la harpe, voilà ce qui m’avait occupé. Ma mère eu besoin de moi à la poissonnerie, et ça égailla un peu mon esprit. J’aimais y passer du temps, voir la bonne humeur des clients habituels était réjouissant. Puis je sortis sur la plage pour aider les jeunes carrières à lancer leur trident correctement, ce qui les rendait plus confiant dans leur future victoire potentielle. C’était étonnant de voir à quel âge on se sentait déjà prêt pour les Jeux, dans le Quatre. Je ne me souvenais pas avoir eu un tel engouement. Quoi que, j’étais un cas particulier. Je n’avais jamais sincèrement été fier d’y participer, et ces gamins me faisaient rire jaune. Au moins, le trident était mon atout, et j’étais heureux de pouvoir l’enseigner, et qu’on apprécie mes conseils.

Je commençai à m’ennuyer et je décidai de rentrer. Les rues étaient ensoleillées, ce qui ne cassait pas la joie des passants. Mon père était en mer, mais maintenant que j’étais sur le chemin du retour, je n’avais pas la motivation de faire marche arrière pour le rejoindre. Mais alors que je m’apprêtais à franchir le pas de la porte de la maison, je me retournai, certain d’avoir vu quelque chose d’anormal sur le sol. Je me baissai pour trouver un bout de papier sous une pierre et y lu les quelques mots inscrits. Jana. Elle était passée, et m’attendait. Je n’avais pas à réfléchir davantage avant de finalement faire le chemin inverse. Je ne savais pas depuis combien de temps elle était passée, mais quelque chose me disait qu’elle m’attendait toujours.

Je me surpris à accélérer le pas pour la retrouver. Autant avouer que j’avais envie de passer un maximum de temps avec elle avant que la soirée ne nous sépare. J’étais conscient que nous n’étions à présent que des amis ; proches certes, mais notre passé ne nous avait pas vraiment laissé le choix, et des sentiments de ce genre, ça ne se contrôlait pas. J’avais bien souvent remercié intérieurement ma mère de l’avoir embauchée, quelques années auparavant. Sans quoi je ne pense pas que nous serions un jour allés l’un vers l’autre. Je me rappelle encore les jours où elle venait à la boutique, petite, elle était adorable. Peut-être étais-je amoureux d’elle à l’époque dans le savoir, en tous cas je n’ai jamais osé faire le premier pas.

J’arrivai au port, devant les nombreuses embarcations prêtes à prendre la mer. Je repérai rapidement le bateau du père de Jana. Je pris une inspiration et montai à bord, où je l’aperçue assise le long du siège à l’avant de l’appareil. La voir ainsi me rappelait le temps que nous avions passé ensemble, lorsque nous étions plus que de simples amis. Nous avions réussi à nous convaincre que ça n’était que passager, la célébrité, la victoire, tout ça nous avait poussés à avoir une aventure. Mais honnêtement, depuis quelques temps, j’en doutais. Je me demandais si nous avions vraiment agi correctement, si elle pensait comme moi, si je pouvais me passer d’elle. Mais plus je m’avançai vers elle, plus je chassais ces pensées de mon esprit. Je ne voulais pas que ça gâche notre précieuse amitié, et de toute façon, avant que je trouve la bonne personne…

« Jana ! »

J’arrivai sur elle en la prenant dans mes bras quoi qu’avec un peu de retenue. Jana ; c’était le prénom que je lui préférai. Et puis, les trois quart des gens l’appelaient Estya, je trouvais donc ça trop impersonnel de me fondre dans la masse. Elle se releva dans un même temps et me sourit. Elle me proposa une balade en mer, et je ris en me rappelant qu'elle ne savait pas conduire les bateaux.

« Mais très volontiers, mademoiselle, je serais votre chauffeur. »

Je me baissai en guise de révérence et pris les commandes, démarrant l'engin. J'aimais ces moments d'amusement avec elle, nous étions trop proches pour nous prendre encore au sérieux avec ce genre de paroles. Je lui lançai alors un sourire sincère, heureux de me trouver avec elle en cet instant, qui promettait d'être... romantique ? Je ne savais pas trop. Du moins, précieux.